Les Rochers-Sévigné

Les Rochers-Sévigné

La Marquise de Sévigné au fil des saisons.

Interprétation contemporaine de la mode du XVIIème siècle.
Exposition permanente au Château des Rochers-Sévigné depuis le 19 Septembre 2015.

Le catalogue d’exposition est disponible à la boutique du musée des Rochers-Sévigné. Les éléments ci-dessous (texte et photographies) en sont extraits.

Printemps

Inspirée de la fin XVIIème siècle, la forme de la robe Printemps nous évoque déjà le XVIIIème siècle et les robes à paniers de Marie-Antoinette. Pourtant, la forme de la jupe n’est due qu’à une superposition de fronces et à la présence de coussins placés autour de la taille. Ce rembourrage permet d’affiner la taille en mettant l’accent sur les hanches. Plus pratiques que l’encombrant vertugadin espagnol, les dessous adoptés par les françaises créent une silhouette libre et distinguée, en accord avec le langage délicat et les mœurs élégantes diffusées par les Précieuses.

Présenté sur un justaucorps « à la Christine » de soie verte, le corset se porte ici par-dessus le vêtement, comme une cuirasse de feuilles dont l’élément central reprend la forme d’une pièce d’estomac. Elément décoratif, au sens premier du terme, le panier s’expose ici par-dessus la jupe. Tressés à la main, ces paniers évoquent l’artisanat du XVIIème siècle, lorsque la vannerie était fabriquée à partir de matériaux naturels tels que : l’osier, le châtaignier, la fibre de palmier ou le jonc. C’est ce dernier qui a été utilisé ici.

Jaillissant de ces paniers renversés, des gerbes de glycines blanches symbolisent « l’expression d’une affection exclusive ». Ce sentiment très possessif trouve parfaitement écho dans les lettres de Mme de Sévigné à sa fille, Mme de Grignan.

Eté

Amoureuse de la nature, Madame de Sévigné trouve refuge dans son jardin à la française des Rochers, dont les plans ont été dessinés par le plus illustre jardinier de l’époque : André Le Nôtre. C’est lui qui magnifia le jardin à la française et en fit la référence pour toutes les cours d’Europe au XVIIème siècle. Incarnation du classicisme dans l’art, les jardins à la française se présentent comme une recherche de perfection formelle, ou la symétrie règne en maître et les espaces se présentent dans une majesté toute théâtrale. La notion de spectacle est très importante dans le jardin à la française car il est imaginé comme un décor en tant que tel, un monument que l’on parcourt et que l’on découvre au gré des perspectives et des lumières.

Loin du naturel calculé des jardins à l’anglaise, le jardin à la française revendique son aspect composé. La nature y est domptée et l’œil ne voit finalement qu’une construction de l’esprit ; un espace rempli d’illusions d’optiques. Ainsi, la déformation de cercles et les perspectives accélérées, sont des méthodes utilisées de façon récurrente dans la construction d’un jardin à la française. Reprenant ces principes de perspective corrigée, la traîne de la robe d’été présente le jardin des Rochers-Sévigné développé en trois exemplaires pour accentuer l’effet de perspective. Soulignés par un contraste de couleurs évident avec le reste de la robe, les jardins apparaissent telle une oasis de verdure au milieu de plaines arides, patinée par le soleil d’été. Et à la façon des jeux de lumière créés par Le Nôtre à Versailles, le velours utilisé pour créer l’effet des pelouses sur la robe d’été, capte la lumière et donne un aspect véritablement organique à ce jardin de tissu. Pour parfaire cette métamorphose, un « champ » de blé doré à l’or fin vient souligner le décolleté de la robe d’été et lui confère un aspect résolument contemporain. Le costume devient ainsi une installation et la couture devient un art.

Automne

Dès le XVIIème siècle Mme de Sévigné est reconnue comme une femme d’esprit et de talent. Elle diffuse dans les salons mondains ses lettres à tous ceux qui entourent le destinataire. Son style fait l’unanimité car elle sait à la fois amuser, divertir et émouvoir le public par sa plume. Malgré ce succès, Mme de Sévigné ne publie pas ses lettres et il faudra attendre 1725 puis la demande officielle de sa petite fille, une dizaine d’années plus tard, pour voir paraître les premiers recueils de lettres. Témoignages de leur temps, ces recueils sont désormais un trésor d’informations qui nous renseigne sur la vie mondaine au XVIIème siècle et le quotidien d’une femme d’exception. Le nombre de lettres écrites par Madame de Sévigné est extraordinaire et l’on imagine sa table de travail couverte d’un monceau de parchemins tel un tapis de feuilles en automne. Cette comparaison a inspiré la création de la robe Automne, réalisée à partir de deux recueils de lettre de la Marquise de Sévigné, dont les couvertures sont présentées ci-dessus. Tapissées sur une base en papier peint, les pages de ces recueils se superposent pour créer un patchwork imprimé où les mots se mêlent aux feuilles roussies de l’automne et s’entrelacent avec les branches d’un rosier cuivré.

La rose était la fleur préférée de Mme de Sévigné, et c’est bien naturellement qu’on lui rendit hommage en nommant une variété de rose à son nom. Présentée ci-contre la rose «Mme de Sévigné» est une rose ancienne qui s’épanouit du printemps au début d’automne. Cette fleur aux pétales doubles, agréablement parfumés, se colore d’un rose carminé et laissent découvrir des étamines dorées au terme de son épanouissement. Créée par Moreau et Robert en 1874, le rosier «Mme de Sévigné» est une obtention française disparue pendant un temps et remise en culture à Grignan en 1996. Le château de Grignan où séjournait la fille de Mme de Sévigné, fut l’objet de nombreuses visites de la Marquise et c’est pour la commémoration du tricentenaire de la mort de la célèbre épistolière, décédé à Grignan, que le château fit renaître la rose «Mme de Sévigné».

Hiver

« Ailleurs, dans un de ces jours d’hiver où le soleil brille, elle représente les arbres tout parés de perles et de cristaux. »

Madame de Sévigné à Livry, le 16 juillet 1677

Cette simple phrase résume une vision presque magique de l’hiver. Lorsque la neige et la glace viennent magnifier la nature et la rendent étincelante. Les sculptures de glaces incarnent parfaitement cette vision de Mme de Sévigné. Fragiles et brillantes elles sont aussi éphémères que la rosée du matin. Pour s’approcher au plus près de l’effet de la glace sans toutefois être contraint par son aspect éphémère, le robe Hiver est réalisée à base de PVC. Ce plastique est une alternative idéale à la glace. Aussi transparent et solide que du verre, il est malléable à la chaleur et résistant aux changements d’environnement.

Le remplacement du tissu par du PVC transparent nous permet de visualiser le modèle dans son ensemble. Ainsi, les trois jupes (la secrète, la friponne et la modeste) qui se superposent pour former l’effet volumineux des robes du XVIIème siècle, sont ici toutes les trois visibles. On distingue en effet un premier cylindre de plastique qui sert de socle à la sculpture, qui est l’équivalent de la chemise intime, appelée aussi « la secrète ». Puis viennent se superposer une jupe de tulle pailletée, c’est « la friponne » et un autre cylindre de PVC, modelé à la manière d’une étoffe, c’est «la modeste». Puisque la modeste est la partie visible, elle est généralement plus travaillée que les 2 autres jupes. Un large gallon calligraphié souligne ainsi le bas de cette jupe. Gravé dans le plastique, cet ornement inédit est composé d’extraits de lettres de la Marquise de Sévigné évoquant l’hiver.

La rigidité du buste et l’imposant col dit débordé nous évoque les tenues de Marie de Médicis dont l’influence a marqué la mode féminine du XVIe et XVIIe siècle. Ce col fait de PVC modelé est agrémenté de gerbes de pampilles de verre, dont les tiges argentées apparaissent par transparence et nous évoquent la structure baleinée des cols en tissu.

Sur la pièce d’estomac du corset, le blason de la famille de Sévigné, est représenté par un agencement de demi-billes de verre et de plastique brossé. On retrouve ce blason sur les vitraux de la Chapelle des Rochers-Sévigné où la robe d’Hiver est exposée. Les pattes d’hermine du blason de la Famille de Champagné sont également présentes sur le manteau neigeux de la robe d’Hiver. Ce motif caractéristique nous rappelle le costume d’apparat de Marie de Médicis, dont la doublure du manteau de sacre est mouchetée d’hermine.

Flyers

Agrémentée d’un manteau de taffetas moiré et d’une guirlande de fleurs, la robe Flyers reprend toutes les caractéristiques du costume peint sur le tableau présenté au 1er étage de la tour du château des Rochers-Sévigné. On redécouvre ainsi la forme de la robe, le drapé du manteau, la guirlande de fleurs, et tant d’autres détails.

Tapissée avec les brochures du musée des Rochers-Sévigné, la robe Flyers reprend la forme et la texture nacrée de la robe présentée sur le tableau ci-contre. La bande de passement centrale est quant à elle réalisée à partir d’images répétées d’un orbe (présentée sur le dépliant des musées de Vitrée). Symbole chrétien de l’autorité, l’orbe est détourné ici de sa fonction première et apparaît comme un motif désacralisé qui peut faire référence à l’attitude libre de la Marquise de Sévigné vis-à-vis de la religion, à une époque où cette dernière a pourtant un rôle prédominant.